Dead
Mon cerveau est mort de trop de confinement. A force de converser avec les 3 mêmes personnes (dont deux souffrant de mutisme sélectif) mes neurones fondent comme neige au soleil. Je cherche mes mots, je n’ai plus aucune créativité et lire un livre me demande trop d’efforts.
Jour 50 – Cher ami - 02 mai 2020
Cher ami imaginaire, je sais bien que je ne devrai pas t’écrire à toi, mais à mes vrais amis, mais comprend bien que malgré ces 50 jours de semi-confinement et la pandémie exceptionnelle en cours, mon complexe de « je ne veux pas déranger » n’a lui, pas évolué d’un iota. Alors bien sûr j’aimerai leur demander comment ils vont vraiment, sachant par quoi ils pourraient être en train de passer, de leur rappeler que je suis présente même si derechef absente. Je n’aime pas le téléphone et la vidéo conférence ne m’attire guère, mais surtout elle m’épuise. L’asynchronisme de ces moments -là me fait perdre pied. L’échange par sms, whats’app ou facebook ne me conviennent plus non plus en ces temps étranges de distanciation physique. Je suis perdue. Et pourtant j’aurai besoin de conseils avisés pour me rassurer.
Jour 51 – Larmes - 03 mai 2020
J’effleure du bout des doigts les limites de mes capacités nerveuses. J’ai fait 30 min de méditation pour me prendre la tronche 1h30 ensuite à 1h du mat pour m’endormir. A la moindre évocation de la reprise de l’école, j’ai envie de pleurer. A la moindre évocation d’un plan financier pour la maison, j’ai envie de pleurer. Me projeter dans le déménagement de juillet, j’ai envie de pleurer. Partir de cet appart ou je suis plus que bien, j’ai envie de pleurer. Penser au stress que cela va engendrer sur les filles = envie de pleurer. Année 2020, j’ai envie de pleurer.
Jour 52 – et boum - 04 mai 2020
Je pleure, doute, on achète plus. Rétropédalage qui va coûter un peu de pognon mais comparé à ce qu’on était en train de mettre en jeu, peanuts.
Jour 53 – Charge - 05 mai 2020
Réveil léger. Incroyablement agréable. Je n’ai plus mal partout, je ne suis pas pétrifiée comme ces derniers jours, ça me pesait lourd. On abandonne l’achat de la maison, mais je dois encore manœuvrer la barque pendant que je ronge mon frein à faire une gueule d’aigrie de femme au foyer ignorée. Je suis fatiguée.
Jour 54 – Bref - 06 mai 2020
Mais faut surtout pas trop récupérer, on réaménage notre appart. Shit. Again.
Jour 55 – HDB - 07 mai 2020
Il fait beau et mes filles ont 12 ans.
Jour 56 – Plan B - 08 mai 2020
Télétravail et je flippe sur les petites clauses des conditions RHT et LPP que je découvre en même temps que tout le monde certes mais qui au tout début de ma carrière de RH font peur, débrouille.
Jour 57 – Endurance - 09 mai 2020
Vivre en permanence avec d’autres humains requiert patience et souplesse, deux qualités dont je déborde. Mais il y a des limites en toute chose, surtout lorsque je suis la seule à maintenir le fil invisible de la bonne entente numéraire. Et ça fatigue. Vraiment.
Jour 58 – Goût amer - 10 mai 2020
Veille de rentrée de longues « vacances » morne. Mario Kart à 4. Obligé.
Jour 59 – Moi aussi je peux être pédagogue - 11 mai 2020
Nous recommençons l’école dans un flou artistique avec des contraintes de bagnards dans un environnement anxiogène. Il n’y aura plus de notes, moins d’amis dans les classes et tout cela (dixit le papier officiel du département de la culture) : pour des raisons sociales et pédagogiques.
Allez donc vous faire foutre socialement en toute pédagogie.
Jour 60 – Pluie - 12 mai 2020
La vitalité a laissé place à une espèce de lasse résignation. La météo n’y est sans doute pas pour rien (2 mois de soleil radieux, on recommence et c’est le déluge…) ou alors c’est le retour de ma chute de progestérone qui n’aide pas. J’ai l’énergie d’une algue et dès que je pense à la suite des événements ma glande lacrymale dysfonctionne copieusement.
Jour 61 – Rien - 13 mai 2020
Fait moche, les filles sont déjà fatiguées et moi je le suis encore. Glande devant la télé.
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